Alors que les précédentes semaines étaient dédiées au travail du sol, notamment au labour et au passage de herse, ainsi qu’aux semis de Lavande Fine pour les producteurs qui en cultivent, le mois de décembre marque quant à lui le démarrage des plantations de Lavandins et Lavandes Clonales. L’occasion de vous parler plus en détails de cette étape clé et de faire un point sur l’état de la filière lavandicole.
La plantation, un savoir-faire spécifique pour une qualité optimale
Contrairement à certaines idées reçues, le Lavandin ne se sème pas, mais il se plante. Il s’agit en effet d’un hybride naturel stérile, dont la reproduction n’est possible que par bouturage, au même titre que les Lavandes Clonales ne peuvent s’obtenir que par reproduction végétative. La plantation est une étape importante, qui nécessite du temps et un savoir-faire spécifique afin de garantir une qualité optimale pour la culture dans les années qui suivent. Elle démarre généralement en décembre et se termine au début du printemps.
La plantation est différente en fonction du type de matériel végétal utilisé par les producteurs. Elle peut se faire à partir de racines nues, pour des plantations rapides et économiques, mais plus sensibles au dessèchement, ou bien en mini-mottes, c’est-à-dire avec une motte de terre qui protège les racines, permettant une reprise plus facile après la plantation, mais avec un coût et un volume légèrement supérieurs. La plantation peut se faire sur une ou plusieurs rangées à la fois. La densité de plants à l’hectare varie en fonction de la variété et l’écartement entre les rangs dépend du matériel utilisé.
Le matériel en question a été développé et amélioré au fil des ans par les producteurs afin qu’il puisse être adapté à chaque taille et type d’exploitations pour l’utilisation qui en est faite. La plantation est semi-mécanisée, les producteurs doivent en effet avoir recours à de la main d’œuvre pour mettre les plants les uns après l’autre dans la machine qui elle met le plant en terre. A l’issue de cette étape, un roulage de la parcelle est nécessaire afin de permettre une bonne implantation des plants.
La mise en place de couverts végétaux inter-rangs intervient quelques semaines après la plantation. Ces couverts vont permettre de diminuer le taux de mortalité des plants dû au dépérissement à Stolbur, maladie transmise par la cicadelle. Les essais menés par la SCA3P pendant plusieurs années ont montré que l’implantation d’un couvert de triticale au mois de février, détruit à la fin de l’été lors des deux premières années de culture, permet de diminuer de 50% le taux de mortalité des plants grâce à l’effet écran du couvert.
Une plantation raisonnée dans un contexte de marché morose
L’offre en Lavandin a explosé entre 2019 et 2022, avec un développement important des surfaces dans différentes zones géographiques. Cela a entraîné une surproduction, qui couplée à une baisse de la demande, a généré une spirale déflationniste et des ventes par certains opérateurs à des prix extrêmement bas, bien inférieurs au coût de revient, estimé à plus de 2400€ par hectare, d’après nos données internes et celles publiées par le CRIEPPAM.
Pour une exploitation de taille moyenne, cela représente un coût de production de 24€/kg pour un rendement de 100 kg à l’hectare, ramené à 22€/kg si on intègre les aides perçues par les producteurs. Ce chiffre ne tient pas compte de l’amortissement du matériel, de la rémunération des producteurs, et a été calculé pour une durée de vie des plantations de 7 ans, à l’heure où nous savons que le dépérissement a un impact négatif sur le nombre d’années en production. Les frais de mise en culture représentent 22% du coût de revient et pèsent sur la trésorerie de manière immédiate. Il s’agit donc d’un investissement significatif pour les producteurs.
Dans ce contexte, il est important d’encadrer le développement des surfaces pour préserver la trésorerie, et assurer ainsi la survie des exploitations à moyen terme. Ne pas tenir compte de ce contexte de marché en misant sur une forte croissance à venir constituerait un pari risqué qui pourrait nuire à l’ensemble de la filière. La maîtrise du renouvellement des plantations est indispensable pour retrouver au plus vite un équilibre entre l’offre et la demande.
Un avenir soucieux pour le Lavandin en Provence
Bien que le contexte de surproduction soit toujours une réalité du fait d’une demande plus faible, l’offre en Lavandin est repassée légèrement en dessous du niveau de 2019, avec moins de 23 000 hectares cultivées. En cause, l’arrachage massif constaté dans les zones historiques, de l’ordre de -10% par an sur les deux dernières années. Le Plateau de Valensole, berceau de la production lavandicole, a perdu de sa superbe en plusieurs années. Les champs de Lavandin, qui inondaient autrefois cette zone devenue un symbole touristique, se raréfient avec le temps, les contraintes techniques et économiques n’encourageant pas les producteurs à maintenir cette culture devenue non rentable et la réduction des intrants ayant un impact sur la beauté des parcelles.
Le renouvellement d’une partie des plantations reste donc nécessaire pour pouvoir répondre durablement à la demande des prochaines années en tenant compte du cycle de vie de la plante et des contraintes techniques qui pèsent sur la culture. L’irrégularité des régimes de pluie produite par le dérèglement climatique, couplée à l’invasion des ravageurs, et principalement de la cécidomyie, en fait une culture fragile sur le plan technique, au même titre que les pratiques de vente à perte, bien souvent par le biais d’intermédiaires, en font une culture fragile sur les plans social et économique.
À la SCA3P, nous encourageons la recherche et la signature de contrats pluriannuels qui garantissent une juste rémunération pour les producteurs, en tenant compte à la fois du prix de marché, mais aussi du coût de revient, et permettent d’envisager plus sereinement l’avenir. L’objectif est de pouvoir limiter à terme la volatilité de cette matière et de mettre fin aux cycles économiques qui se répètent et qui pénalisent à tour de rôle chaque partie. Nous avons pu compter cette année encore sur le soutien de nos plus fidèles partenaires dans cette démarche au travers de relations commerciales renforcées, plus justes et plus durables.
La plantation n’est donc pas qu’une banale étape de l’itinéraire cultural, elle soulève dans le contexte économique actuel de nombreux questionnements et fait l’objet de préoccupations. La pluie et un retour de la croissance sont maintenant à espérer pour que les nouveaux plants puissent voir le jour sous les meilleurs auspices.